Depuis la fin annoncée des cookies tiers et la dégradation du tracking publicitaire, le Marketing Mix Modeling (MMM) revient en force comme solution de mesure de performances marketing. Pourtant, derrière l’engouement se cachent des idées reçues qui peuvent coûter cher : confusion entre attribution et contribution, sur-confiance dans les résultats, mauvaise interprétation des ROI…
Cet article décortique 5 idées reçues pour vous guider vers une mise en oeuvre efficace de votre projet MMM. Vous découvrirez comment éviter les pièges classiques, choisir les bons outils, et surtout comment transformer les insights en performances concrètes pour vos campagnes média.
Marketing Mix Modeling (MMM) : éléments de définition
Le Marketing Mix Modeling (MMM) est une méthode d’analyse statistique avancée qui permet de mesurer l’impact global de vos canaux marketing (online et offline) sur vos ventes, revenus ou autres KPIs business.
Contrairement aux modèles d’attribution qui suivent les clics et parcours individuels, le MMM s’appuie sur un historique de données marketing agrégées tout en intégrant des facteurs externes comme la saisonnalité, les prix, les promotions ou le contexte macroéconomique.

Par exemple, le graphique ci-dessus analyse les sources de revenus d’une entreprise en distinguant ses revenus de base de ceux générés par ses dépenses marketing :
- 🟧 Revenus de base (baseline) : la barre orange représente le niveau de ventes « naturel » en dehors de toutes dépenses marketing : votre notoriété de marque, l’effet des prix, la fidélité des clients ou les tendances de marché.
- 🟦 Canal marketing (télévision, paid search, etc.) : les barres bleues représentent la contribution de chaque canal marketing aux revenus de l’entreprise.
Ce que le Marketing Mix Modeling permet de faire concrètement :
- Allouer intelligemment vos budgets entre canaux en identifiant les rendements marginaux (ROI marginal)
- Unifier votre vision online/offline dans une mesure holistique
- Simuler des scénarios d’optimisation : « Que se passe-t-il si je coupe 20% du TV et réinvestis en social ads ? »
Ce que le Marketing Mix Modeling ne fait pas :
- Tracker les parcours utilisateurs individuels (c’est une analyse agrégée)
- Fournir des données en temps réel (il travaille sur de l’historique)
- Remplacer l’attribution multi-touch (ce sont des approches complémentaires)
Cette distinction est cruciale pour éviter les fausses attentes. Le Marketing Mix Modeling vous donne une vision stratégique de l’allocation budgétaire, utile pour aligner vos objectifs de communication, pas un suivi transactionnel granulaire.
Rémanence, saturation et multicolinéarité : 3 concepts clés du MMM
Le Marketing Mix Modeling se distingue des autres approches de mesure par sa capacité à modéliser trois phénomènes marketing essentiels que l’attribution classique ne capte pas :
- La rémanence (adstock) : vos campagnes continuent de produire des effets après leur arrêt. Une publicité TV diffusée en semaine 1 influence encore les ventes en semaine 2, 3, et plus encore. La rémanence permet de quantifier cette persistance de l’impact publicitaire dans le temps.
- La saturation : doubler le budget ne double jamais les résultats. Au-delà d’un certain seuil, chaque euro supplémentaire rapporte moins. Le MMM identifie ces points de saturation pour chaque canal et évite le gaspillage budgétaire.
- La multicolinéarité : vos leviers média ne fonctionnent jamais isolément. Le MMM permet de démêler les effets croisés pour révéler les vraies contributions. Par exemple, votre TV peut déclencher 40% des conversions créditées au search branded avec un système d’attribution classique (e.g. last-touch).
Ces trois mécanismes expliquent pourquoi le MMM devient un atout majeur dès que vous orchestrez plusieurs leviers média avec des cycles d’achat moyens à longs.
Pourquoi le MMM revient sur le devant de la scène en 2025
La renaissance du MMM s’explique par plusieurs ruptures simultanées. D’abord, la fin de l’âge d’or du tracking : restrictions sur les cookies tiers, durcissement des politiques de confidentialité (RGPD, iOS ATT), fragmentation croissante des parcours cross-device.
Les modèles d’attribution multi-touch (MTA) montrent leurs limites : surestimation des leviers de conversion – retargeting, branded search – au détriment des leviers de notoriété, ce qui érode la performance de marque.
Parallèlement, la pression ROI s’intensifie. Les directions financières et comités exécutifs exigent des preuves claires de l’efficacité marketing et des arbitrages budgétaires documentés. Enfin, les outils MMM open-source comme Robyn (Meta), Meridian (Google) ou PyMC Marketing, ainsi que les solutions SaaS (mediaROI, Recast), abaissent les barrières techniques et rendent les MMM plus accessibles.
Pour bâtir un plan média qui tient compte de ces nouvelles réalités, le MMM devient un passage obligé. Il permet d’intégrer tous vos leviers – du display programmatique aux campagnes TV – dans une vision unifiée qui permet jusqu’à 20% de lift en allocation budgétaire optimisée.
Pourtant, derrière cette promesse se cachent des idées reçues tenaces qui transforment souvent ces 20% de gains potentiels en autant de budget gaspillé.
« Le MMM ne remplace pas le jugement stratégique, il l’éclaire. Sans validation causale et traduction opérationnelle, un modèle reste un exercice théorique. »
Idée reçue n°1 : « Attribution = Contribution : c’est la même chose »
La confusion entre attribution et contribution est courante. Pourtant ces deux approches répondent à des questions radicalement différentes et produisent des insights complémentaires :
- L’attribution (MTA) répond à « Quel clic ou point de contact a généré cette conversion ? » Elle offre une vision partielle, centrée sur le digital, dépendante des cookies et identifiants utilisateurs. L’attribution surestime mécaniquement les canaux de bas de funnel qui captent la demande existante sans la créer. Elle ignore les effets de synergie et les leviers offline.
- La contribution (MMM) répond à « Combien le levier a-t-il généré globalement ? » Elle propose une vision plus holistique intégrant online, offline, et facteurs contextuels (prix, promos, météo, saisonnalité). Indépendante du tracking individuel, elle quantifie la part de chaque canal dans le résultat total, tout en captant les effets de rémanence (adstock) et de synergie.
Les canaux de notoriété sont majoritairement ignorés par l’attribution classique. Sans une vision globale, vous risquez de couper vos campagnes de notoriété jugées « non performantes » par le MTA, quand bien même ces dernières génèrent par exemple une partie de la demande captée ensuite par le search branded.
Un MMM permet ainsi d’éviter le sur-investissement sur les leviers de capture (bas de funnel) au détriment de la création de demande (haut de funnel) – des situations encore courantes qui peuvent entraîner une dégradation de la performance marque et une perte de parts de marché à moyen terme.
| Critère | Attribution (MTA) | Contribution (MMM) |
| Question posée | « Quel clic a converti ? » | « Quel levier a généré les ventes ? » |
| Périmètre | Digital uniquement | Online + Offline |
| Granularité | Parcours individuel | Agrégée |
| Dépendance cookies | Forte | Nulle |
| Effets de synergie | Non captés | Modélisés |
Pour mesurer l’impact réel de vos investissements marketing offline sur le digital, des stratégies marketing comme le drive-to-store nécessitent impérativement une approche contribution.
« L’attribution vous dit qui a marqué le dernier but. La contribution vous explique quelle stratégie de jeu a permis de gagner le match. »
Idée reçue n°2 : « Il suffit d’avoir des données historiques pour faire du MMM »
Avoir des données n’équivaut pas à avoir des données exploitables. Beaucoup de grandes entreprises possèdent des années d’historique, mais éparpillées dans des silos – CRM, ad-platforms, backend e-commerce, outils retail – avec des identifiants hétérogènes et des définitions variables. La quantité ne compense jamais la qualité.
Les pièges classiques du côté des données :
- Dépenses marketing non consolidées (budgets éparpillés entre plateformes sans vision globale)
- Historique incomplet (moins de 2 ans) ou lacunaire (périodes manquantes, leviers non ou mal trackés)
- Absence de variables contextuelles (prix, promotions, saisonnalité, événements macroéconomiques)
- Écarts majeurs entre plateformes publicitaires et données backend (impressions reportées vs. ventes réelles)
La loi du « Garbage In, Garbage Out » s’applique impitoyablement au Marketing Mix Modeling. Un modèle construit sur des données biaisées, mal nettoyées, produit des résultats erratiques, non actionnables, et dangereux pour vos décisions budgétaires.
Solution : consolider vos données avant de modéliser
Le MMM nécessite une consolidation de données agrégées : dépenses par levier et période, volumes d’activité (impressions, clics), résultats business (ventes, revenus), et variables contextuelles. Vérifiez la complétude minimum :
- Consolidation complète des dépenses marketing (online et offline)
- Historique minimum 2 ans à granularité hebdomadaire ou mensuelle
- Variables contextuelles intégrées (prix, promos, saisonnalité, contexte macro)
- Données de ventes/revenus fiables et cohérentes avec les périodes média
- Documentation des sources et transformations

Données essentielles à centraliser pour un MMM
Tracez chaque transformation (nettoyage, enrichissement) pour garantir reproductibilité et audit. Aussi, des plateformes comme l’Adboard permettent de centraliser l’ensemble de votre écosystème média. Pour des campagnes retail media, cette centralisation est particulièrement critique.
« Un modèle MMM n’est jamais meilleur que les données qui le nourrissent. La centralisation et le nettoyage ne sont pas des étapes optionnelles, ce sont les fondations. »
Idée reçue n°3 : « Le MMM prédit le futur avec certitude »
Le Marketing Mix Modeling estime les contributions passées et projette des scénarios futurs, il ne prédit rien avec certitude. Cette distinction fondamentale échappe à beaucoup de décideurs pressés d’obtenir des garanties chiffrées.
Tout d’abord, les projections du modèle restent valables uniquement si les conditions de marché demeurent stables – pas de rupture technologique, nouvelle plateforme dominante, crise économique ou changement réglementaire majeur.
Les analyses d’un modèle MMM reposent sur des paramètres (adstock, saturation, priors bayésiens) qui peuvent être mal calibrés sans validation externe. Trois biais classiques menacent leur fiabilité :
- Multicolinéarité : deux canaux activés simultanément (TV + social) compliquent l’attribution précise des effets
- Endogénéité : budget augmenté parce que les ventes sont déjà en hausse (confusion cause/effet)
- Attribution incorrecte d’effets saisonniers non capturés à des actions marketing
Une étude menée sur le MMM Robyn montre notamment qu’une mauvaise calibration peut surestimer ou sous-estimer les ROI de 25%.
Solution : tester et recalibrer vos modèles en continu
Ne considérez jamais les scénarios d’optimisation budgétaire comme des vérités absolues. Pour ce faire, il est recommandé de :
- Coupler systématiquement votre MMM avec des tests d’incrémentalité pour valider la causalité de vos hypothèses.
- Recalibrer régulièrement votre modèle en intégrant les résultats de vos tests pour affiner les analyses futures.
| Type de test | Objectif |
| A/B Testing | Comparer directement l’effet d’une campagne en exposant un groupe et en laissant un autre non exposé |
| Geo-lifting | Tester l’impact d’une campagne en ne l’activant que sur certaines zones géographiques et en comparant avec des zones non exposées |
| Budget Holdout | Suspendre temporairement le budget publicitaire sur un canal pour observer si les conversions diminuent ou restent stables, révélant ainsi son caractère incrémental |
L’optimisation de vos achats d’espaces média doit s’appuyer sur des modèles éprouvés, jamais sur des hypothèses non testées.
« Le MMM vous montre le chemin probable, pas une destination garantie. Sans tests pour valider, vous naviguez à vue avec une carte peut-être périmée. »
Idée reçue n°4 : « Les modèles MMM sont trop complexes ou opaques »
Cette opposition binaire simplifie à l’excès une réalité plus nuancée. Les outils open-source et les solutions SaaS de MMM ont chacun leurs forces et faiblesses. Le choix dépend de votre contexte : maturité data, expertise interne, budget, et surtout capacité à passer à l’action.
Solutions open-source : Robyn, Meridian, PyMC Marketing
Les modèles MMM open-source offrent une transparence maximale : code auditable, hypothèses visibles, intégrations causales possibles. Leur flexibilité permet une adaptation complète aux spécificités métier, l’ajustement des priors, et la combinaison avec d’autres outils d’analyse.
En contrepartie, ces solutions nécessitent une expertise data science solide en interne (Python/R, analyses statistiques avancées, modélisation bayésienne) et une méthodologie rigoureuse côté média pour challenger les sorties, organiser les tests de validation, et traduire les résultats en activations concrètes.
Nos recommandations : Robyn (Meta), Meridian (Google), PyMC Marketing (PyMC Labs)
Solutions SaaS propriétaires : mediaROI, Recast
Les modèles MMM SaaS permettent une mise en route plus rapide avec des visualisations clés en main, du support technique et de la formation incluse. Elles sont idéales pour tester le MMM sans investissement technologique lourd.
On leur attribue en revanche souvent un risque de « boîte noire » : recommandations sans visibilité complète sur les hypothèses, biais potentiels, ou robustesse du modèle. Auditer, recalibrer ou faire évoluer le modèle est plus difficile et nécessite généralement l’intervention du prestataire.
Nos recommandations : mediaROI (coup de coeur Adring), Recast (très prisé parmi les équipes marketing)
Quel que soit votre choix, l’accompagnement par une agence média peut vous aider à challenger les sorties des modèles (qu’ils soient open-source ou SaaS), à questionner les hypothèses sous-jacentes, et surtout à traduire systématiquement les insights en plans média actionnables avec suivi continu des performances.
« Le meilleur outil MMM n’est pas celui qui donne les résultats les plus sophistiqués, c’est celui dont vous pouvez questionner les hypothèses, comprendre les limites, et traduire en décisions actionnables. »
Idée reçue n°5 : « ROI moyen = ROI marginal : si ça marche, j’augmente le budget »
La confusion entre ROI moyen et ROI marginal est la cause la plus courante de mauvaise allocation de budget. Cette erreur de pilotage, pourtant simple à comprendre, reste assez répandue chez les décideurs marketing pressés par la performance court terme.
- ROI moyen : indique la performance globale d’un canal sur la période observée (exemple : Google Ads rapporte 3€ de CA pour 1€ dépensé)
- ROI marginal : indique la performance du prochain euro investi dans un canal (exemple : peut être bien inférieure à 3€ à cause de la saturation)
La loi des rendements décroissants s’applique universellement : au-delà d’un certain seuil de dépense, chaque euro supplémentaire rapporte moins. Un MMM bien calibré permet d’identifier la plage optimale de dépense pour chaque média.

Solution : piloter par courbes de saturation
Le Marketing Mix Modeling modélise les effets de saturation via des fonctions non-linéaires (Hill, Adbudg) pour identifier précisément les points d’inflexion. Optimiser l’allocation en réallouant les budgets des canaux saturés vers ceux où le ROI marginal reste élevé.
Les réallocations se font par petits pas (10-20%) et doivent être validées par tests d’incrémentalité (geo/budget holdouts), avec recalibration régulière du modèle. L’objectif est d’égaliser le ROI moyen de tous les canaux marketing pour maximiser l’efficacité de chaque investissement au niveau global.
Exemple d’allocation média pour un budget de 1M€
Situation initiale
| Canal | Budget initial (€) | ROI moyen (€) | ROI marginal (€) | Ventes initiales (€) |
| A | 600 000 | 4,0 | 1,2 | 2 400 000 |
| B | 400 000 | 2,5 | 3,5 | 1 000 000 |
| Total | 1 000 000 | 3,4 | – | 3 400 000 |
Réallocation proposée : transférer 150 000 € de A vers B
| Canal | Nouveau budget (€) | Δ budget (€) | ROI marginal (€) | Δ ventes (€) | Nouvelles ventes (€) |
| A | 450 000 | –150 000 | 1,2 | –180 000 | 2 220 000 |
| B | 550 000 | +150 000 | 3,5 | +525 000 | 1 525 000 |
| Total | 1 000 000 | 0 | – | +345 000 | 3 745 000 |
Résultat : +345 000 € de ventes (+10,1 %) à budget constant
Ce scénario illustre un cas typique détecté par un MMM non linéaire :
- Le canal A affiche un excellent ROI moyen (4,0%) mais est en saturation avancée : chaque euro supplémentaire ne rapporte que 1,2€
- Le canal B présente un ROI moyen plus modeste (2,5%) mais reste sous-exploité : chaque euro investi rapporte encore 3,5€
La réallocation permet d’augmenter l’efficacité globale de 10% sans dépenser un euro de plus.
« Cette logique contre-intuitive de couper un canal « performant » pour renforcer un canal « moins performant » est au coeur de l’optimisation par MMM »
Quelques applications concrètes pour votre mix média :
- Pour vos campagnes de retargeting, cette distinction devient critique : c’est typiquement un levier à ROI moyen excellent mais très rapidement saturé avec la répétition. Au-delà de 3-4 expositions, l’efficacité marginale s’effondre.
- De même, pour mesurer l’incrémentalité réelle de vos stratégies drive-to-store ou optimiser vos achats d’espace publicitaire, le pilotage par ROI marginal s’impose comme un standard de performance.
Mettre en oeuvre votre projet MMM (avec Adring)
Un dernier écueil à ne pas négliger avant votre projet MMM ? Des recommandations statistiquement optimales mais inapplicables en pratique. Le modèle peut suggérer +15% de TV en août sans tenir compte des audiences estivales faibles ou de vos délais de production créative. Il recommande de réduire le DOOH de 30% alors que vos contrats annuels sont déjà payés. Il optimise les budgets sans connaître les contraintes de disponibilité d’inventaire ou les fenêtres de négociation tarifaire avec les régies.
C’est précisément là qu’intervient l’expertise d’une agence média : réconcilier les scénarios d’optimisation avec la réalité opérationnelle du marché publicitaire. Chez Adring, notre valeur ajoutée réside aussi dans notre capacité à vous aider pour :
- Auditer la qualité des données avant toute modélisation
- Connecter l’ensemble de votre écosystème média avec l’Adboard : suivi temps réel des KPI via API, vision macro consolidée de toutes vos campagnes sur un planning annuel, intégration à votre CDP et facturation centralisée.
- Challenger les modèles (hypothèses, paramètres, biais potentiels) qu’ils soient open-source, SaaS ou internes
- Traduire les insights en actions média réalistes : saisonnalité des audiences, disponibilité d’inventaire, contraintes contractuelles, calendriers de production créative, négociation tarifaire
Le MMM n’est utile que s’il change vos décisions média, avec des données fiables et un suivi continu de la performance.
– Adring


